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WUNDERKIND. [ _ i used to do drugs but don't tell anyone or it will ruin my image]
26 janvier 2024

tell me, who do you see when you die in your dreams?

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Gare du Nord. Je bouffe mon sandwich cheddar chutney de chez Prêt à Manger (oui, je suis blogueuse lifestyle à mes heures perdues). J'ai pris cette habitude, maintenant. C'est mon moment à moi, mon moment douceur. Bouffer mon sandwich cheddar chutney en lisant le dernier Harper's Bazaar. Au début, j'avais pas trop fait attention. L'endroit est naturellement bruyant, j'ai pas choisi mon heure. J'aurais pu prendre ma journée, histoire d'arriver pendant un moment de creux, mais j'avais des dossiers en retard et ça me soulait de partir en sachant que j'allais me récupérer une blinde sur la gueule dès lundi matin. Donc je suis partie plus tard qu'à habitude. Gare du Nord, bouffer mon cheddar chutney en lisant le dernier Harper's Bazaar.

D'ordinaire, je ne fais attention à rien. Je suis devenue une pure parisienne pour ça. Faut me voir dans le métro, éviter les regards de tout le monde, à me concentrer dans le vide. Je suis un putain de courant d'air sur la ligne 12. Donc je mets du temps avant de comprendre. J'entends vaguement quelqu'un brailler. Enfin non, pas brailler, je palpais plutôt une douleur. Je me lève pour jeter mon plateau tout en essayant de trouver d'où provient ce bruit. Je me dis que je vais essayer de trouver le troupeau qui a probablement du avoir la même réaction que moi, et qui, à l'instant où je le cherche du regard, est devenu un conglomeras informe, suffisamment important pour que je puisse le remarquer de loin.

Mais rien, il n'y rien. Seulement une femme, allongée sur un banc, entre la mauvaise descente et la crève. Elle est entourée de plusieurs personnes, qui restent assis, impassibles. Je m'approche, je demande à l'homme à côté d'elle s'il l'a connait, s'il a prévenu quelqu'un. Il marmonne qu'elle est comme ça depuis une trentaine de minutes. Je ne relève pas, et je demande si elle veut que j'appelle les secours. Très vite, je comprends qu'elle est sans doute une sans-abri, une odeur de pisse et d'alcool émane d'elle. Elle parle un anglais approximatif, me dit que ça va pas. J'ai un train à prendre, je vais chercher de l'aide. On m'envoie gentiment chier, quand on remarque qu'une bouteille de blanc trône à côté d'elle. Je finis par trouver un agent de sécurité qui prend ma demande au sérieux. Qui prend cette femme au sérieux. A cet instant, je ne pense pas à toutes ces conneries qu'on peut se dire, "j'ai fait ça parce que ça aurait pu être moi" et autres bullshits. Je sais même pas pourquoi j'ai fait ça, en vérité. J'aurais très bien pu être un de ces types. Au final, chacun tente de se sauver à sa manière, est-ce qu'on a vraiment le temps pour une espèce de toxico russkoff qui se noie dans sa dégueule? Je pense qu'on devrait peut-être le prendre un peu plus, ce temps. Ne plus ignorer, ne plus éviter. Je sais pas, l'espace de cinq minutes. Ne plus être ce putain de courant d'air. Peut-être qu'il me reste encore ça. Ce truc, bien enfoui au fond de nous tous, piétiné par l'individualisme de notre monde, un vulgaire sandwhich cheddar chutney et un magazine débile du style Harper's Bazaar. 

J'ai n'ai même pas éprouvé une quelconque colère. Je me suis contentée de rejoindre mon quai, parce qu'il n'y avait que ça à faire. Ca n'est même plus étonnant. La manière dont les mondes glissent. 

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