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WUNDERKIND. [ _ i used to do drugs but don't tell anyone or it will ruin my image]
17 janvier 2020

bedroom stories

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Ma chambre était mon sanctuaire. D’aussi loin que je me souvienne, elle était tapissée de posters, souvent des mecs blonds à long cheveux, gueules d’anges suicidaires, et puis des photos de Sheryl Crow, parce que mon moi enfant ne jurait que par elle, ne me demandez pas pourquoi.

C’est assez drôle car elle était assez sombre, cette pièce, alors que j’étais une enfant désespérément joviale. Peut-être que j’avais déjà préparé le terrain pour l’adolescente en devenir, celle qui allait s’apprêter à dégueuler sur le monde en le fistfuckant de sa jolie bague tête de mort, allez savoir.

Je n’explique pas la fascination que j’ai pu avoir pour cet endroit, terne et bordélique, où on pouvait facilement se casser la gueule sur une pile de cassettes vhs et de bouquins écornés. Peut-être parce qu’il était à mon image, triste et en colère, rempli par le vide et l’inutile. Il parait que la chambre est le reflet des attentes des adolescents. Visiblement, je n’attendais rien, si ce n’est le silence.

Je restais étendue sur le lit, les yeux rivés sur le plafond tandis que Hope Sandoval me berçait de sa voix chantant l’oubli, lancinant. J’éprouvais durant ces instants comme une échappatoire. Le monde extérieur n’existait plus, il n’y avait que moi entre ces quatre murs. J’avais dressé une frontière invisible, impossible à franchir. J’allais et venais, libre dans cet endroit minuscule et qui pourtant me semblait démesuré.

Sans doute la raison pour laquelle j’accumulais autant de merdes que je pouvais. Du bibelot moche au dernier vinyle à la mode. Je n’étais qu’un cliché du suburban kid, croyant que son ennui persistant le rendait un minimum intéressant. J’étais incurablement conne, parfois hautaine, à mes heures perdues. Croyant que rien ne pouvait m’atteindre, paumée dans ce chaos. Les balles tirent à bout portant, et c’est pas un chemise à carreau qui les retient.

Je noircissais les pages de mes carnets de mes pensées comme si elles étaient la septième merveille du monde. De la banalité affligeante à chaque page, mais qui me tenait quand tout se barrait. J’y ai pourtant appris beaucoup, affinant la personne que je voulais devenir, sans forcément prendre en considération celle que j’étais vraiment. C’était mon paradis perdu, là où j’essayais de me retrouver, souvent sans succès. C’était l’âge qui voulait ça. Une hargne sourde, inexplicable, arrachant les tripes à chaque pas. Il fallait se cacher, et ma chambre était ce qu’il y avait de mieux pour ça. Du calme dans tout ce bordel, pour quelques instants.

Parfois, j’y repense avec nostalgie. De cette chambre, il ne reste presque plus rien, si ce n’est quelques cartons au fond du grenier. Les vestiges d’un être passé, stupide mais nécessaire.

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